LES LOUNGES: LIEU DE SOCIALISATION
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LES LOUNGES: UN LIEU DE SOCIALISATION

 

Lieux d’expression des tendances branchés, les lounges répondent aussi à certains besoins personnels et sociaux. Dans notre monde individualiste, autonomiste et accéléré, plusieurs individus ont besoin de communiquer et d’interagir de façon relativement intimiste, et les lounges apparaissent comme des lieux où cela est possible. De cette manière, et c’est ce que nous tenterons de démontrer dans cette partie de notre analyse, il est de notre avis que les lounges sont beaucoup plus que de simples établissements où «du beau monde» se rendent pour consommer de l’alcool jusqu’aux petites heures du matin, mais bien des lieux s’imposant précisément comme favorisant la sociabilité (superficielle autant que réelle), le divertissement, ainsi que la relaxation – ou plutôt le détachement par rapport à la réalité quotidienne.

 

Bien que les lounges, de même que tous les autres types d’endroits publics où sont vendues des boissons alcoolisées (discothèques, clubs privés, tavernes, etc.), peuvent être considérés comme étant le reflet de la culture, des valeurs et des codes sociaux, peu de sociologues s’y sont réellement attardés. Tel que le souligne Cavan (1966) dans son ouvrage «Liquor Licence», cela est peut-être dû au fait qu’historiquement, ces environnements ont toujours été perçus comme entraînant le vice, la débauche, la perte de valeurs morales et la mauvaise conduite. Néanmoins, quelques ouvrages se sont tout de même penchées sur le phénomène, et en ont déduit que les bars avaient comme fonction de procurer aux individus un lieu où ils peuvent s’adonner de façon volontaire, déconnectée de leur vie de tous les jours et cela, avec peu de sérieux, à des comportements et activités de toutes sortes. Plus précisément, ces endroits permettraient trois types d’activités soit; la sociabilité (sociability), le jeu (playing), et la consommation de breuvages quelconques (drinking). Or donc, contrairement au préjugé commun, ces établissements ne répondraient pas qu’à l’unique nécessité de consommation, mais aussi à des besoins d’interaction, de divertissement et d’investissement personnel.

 

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Dans un livre intitulé «The great good place»(1989), Ray Oldenburg avance qu’une vie saine (good life), requiert un certain équilibre entre trois champs d’activité différents, soit la résidence, le lieu de travail et un troisième endroit (third place). Ce troisième endroit est présenté comme le centre de la vie publique où les individus peuvent socialiser sans avoir à être trop sérieux. Pour lui, ces lieux offrent un terrain neutre, facilement accessible, où la discussion et la socialisation dans une atmosphère plaisante est l’activité principale. Ce sont des endroits où les gens peuvent s’associer à d’autres, ce qui permet en retour de stimuler ces mêmes individus, d’enrichir leur perspective sur la vie, de les divertir, de les conscientiser et finalement de leur faire apprécier la vie publique. D’après lui, ces places sont aujourd’hui trop négligées – au profit des mass médias comme la télévision – ce qui aurait certains effets pervers sur la vie communautaire.

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Une soirée au Jello Bar

Ainsi, afin de faire le parallèle avec son livre, il serait possible de supposer qu’une des raisons pour lesquelles la mode lounge compte autant d’adeptes et subsiste depuis plusieurs années est parce qu’à l’intérieur de ces bars, les gens y retrouvent une espèce de vie communautaire, une ambiance personnalisée et presque familiale (à noter : la plupart des lounges montréalais comptent parmi leur clientèle de nombreux habitués - ou des réguliers pour utiliser un dérivé du terme anglophone – souvent très familier avec l’endroit, avec les employés et avec les autres clients réguliers et semi-réguliers). Répondant à la nostalgie du temps passé, où les hommes étaient bien moins égocentriques et où étaient entretenues des relations plus profondes et plus sincères avec voisins et familles, les lounges permettent en quelque sorte de recréer une certaine proximité avec autrui.

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D'autres photos du Jello Bar

 

LES LOUNGES:UNE RÉPONSE AUX VALEURS ET BESOINS SOCIAUX

 

Ainsi, comme nous avons tenté de le démontrer, les lounges représente un univers social riche en information; leur image et le climat particuliers qu’ils offrent reflètent véritablement notre culture et notre temps. Espace nocturne où l’ambiance de fête et la frivolité règnent, ils rendent possible les réunions entre amis dans une atmosphère à la fois élégante et détendue. Qu’elle résulte d’un choix collectif ou bien du besoin des classe sociales de se différencier, qu’elle soit populaire parce que les gens l’utilise pour se différencier des autres ou pour leur ressembler, la mode lounge est une mode qui s’impose – dans notre contexte montréalais - comme étant peu éphémère.

 

S’inscrivant parfaitement dans notre société de consommation et de divertissement, cette mode permet de consommer des produits variés même si relativement coûteux, de décrocher, d’être heureux et d’avoir du plaisir. Qu’on y adhère afin de pouvoir se construire une personnalité favorable face aux autres, pour se montrer ou simplement pour relaxer et se divertir, elle répond à maints de nos besoins modernes, comme par exemple celui de retour à des valeurs plus profondes comme la vie communautaire, de qualité et de confort (un héritage de la génération des baby boomers vieillissante), de décrocher des absurdités de la vie quotidienne comme la vitesse, la performance, et les scandales ainsi que de sécurité car en cette fin de millénaire tout semble nous effrayer ( du bogue de l’an 2000 à la privatisation de l’eau). Les lounges permettent à nos contemporains de s’envoyer en l’air, cela dans un environnement contrôlé et bien encadré (que ce soit à la porte par les portiers qui se doivent de ne laisser pénétrer que ceux qui ont le «look de la place», ou par l’attention particulière portée par patrons et employés en ce qui à trait à la constance de la musique comme des boissons).

 

Enfin, pour pousser l’analyse encore plus loin, il serait permis de croire que les lounges - à notre ère d’insécurité économique et d’investissements massifs - nous rendent accessibles des petits luxes abordables (telle la consommation d’un bon porto ou scotch) sans avoir à se ruiner, qu’ils s’inscrivent bien dans le processus de mondialisation puisqu’ils s’ouvrent bien au monde en offrant des produits provenant des quatre coins de la planète, et finalement, qu’ils permettent aux gens de répondre à leur besoin de reconnaissance sociale en se faisant voir en ces lieux branchés et en s’y associant.

 

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