PHÉNOMÈNE DE MODE
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LA MODE

«Imitation d’un modèle donné, la mode satisfait un besoin social, elle mène l’individu dans la voie suivie par tous, elle indique une généralité qui réduit le comportement de chacun à un pur et simple exemple. Cela dit, elle satisfait tout autant le besoin de distinction, la tendance à la différenciation, à la variété, à la démarcation». La mode exprime le social à travers l’individuel, elle donne un cadre dans lequel s’établit des liens sociaux, et permet par le fait même, d’établir un rapport entre l’individuel et le collectif. La mode est un phénomène social d’une profonde envergure, et ne doit pas, pour cela, être associé qu’au vêtement : elle renvoie effectivement au vêtement comme tel, mais aussi à tout ce qui, à un moment où à un autre, jouit d’une certaine popularité au sein d’une masse quelconque d’individus. Le vêtement n’est donc qu’un des éléments du mode de vie propre à chaque culture, et celui-ci touche – comme le souligne Javeau ( 1977) - autant à la «façon de parler, les gestes au repas, les nourritures absorbées, la manière de se vêtir, aux comportements politiques, etc.». Le vêtement (surtout féminin) est peut-être le reflet le plus évident du phénomène de la mode, mais celui-ci est beaucoup plus complexe. Comme il reflète le social, ses besoins et ses valeurs, le comprendre peut aussi permettre de traduire la société, et c’est pourquoi le sociologue doit sans cesse y prêter un grande attention.

 

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Goerg Simmel

De fait, plusieurs sociologues se sont penchés sur le phénomène de la mode, quoiqu’il demeure encore relativement peu étudié. Parmi ces derniers figurent Georg Simmel ainsi que Herbert Blumer, et comme leurs analyses sont très distinctes, nous nous attarderons aux deux. Pour Simmel, les relations sociales entre les individus sont constamment en mouvement, et son imprégnées d’un dualisme; l’homme aspire à la fois au général et au particulier, et toute société a pour base le compromis entre la fusion avec le groupe social et le maintient de l’individualité. Selon Simmel, ce dualisme se manifesterait à travers l’imitation. Celle-ci, avance-t-il, permet à l’individu de ne pas se sentir seul tout en étant lui-même, elle fonde la singularité dans le général, et donc se pose comme la condition essentielle du phénomène de la mode. De cette manière, la mode – l’imitation d’un modèle qui sert d’exemple – impose à l’individu un certain degré de conformisme et d’uniformisation, tout en satisfaisant, simultanément, le besoin d’individualité qu’il éprouve car, c’est à travers elle, qu’il se donne une apparence qui le caractérise. Pour lui, la mode est la conséquence de l’opposition entre classes sociales; la mode serait continuellement en mouvement parce que les classes supérieurs chercheraient constamment – à travers toute sorte d’éléments constituant leur mode du moment - à se différencier des strates inférieurs, qui pour leur part parviendraient continuellement à s’approprier – après un certain temps – ces mêmes éléments (ou leur copie), forçant ceux du haut de la hiérarchie à toujours innover pour se distinguer.

 

La mode signifierait donc, pour Simmel, à la fois une inclusion des pairs et une exclusion des autres. Marque d’individualité, de différenciation et de reconnaissance sociale, bien qu’elle finisse toujours par périr, la mode rehausse l’homme insignifiant en lui donnant l’impression d’appartenir à un groupe, et d’avoir sa propre personnalité. De plus, la mode joue aussi un rôle de protection puisqu’elle protège l’individu en lui permettant de ne dévoiler que certaines parties de sa personne et d’en dissimuler certaines autres. Bref, en adhérant à une mode, l’homme choisit un style de vie qui lui plaît et lui convient. La mode permet à l’homme de se renouveler, de dépasser les frontières, et en imposant des changements continuels et perpétuels, elle remet en question de nombreuses convictions et valeurs sociales.

 

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Herbert Blumer

Contrairement à Simmel, Blumer affirme que la mode en tant que processus résulte de choix collectifs (collective selection); il la présente comme étant générée par la masse (qui choisit certains éléments et en rejette d’autres), comme une expression vitale, quoique élusive, de la modernité. Pour lui, la mode donne un sens symbolique aux aspirations et aux mécontentements des hommes vivant en société, elle ordonne la vie sociale dans un monde continuellement en mouvement, et elle capture et exprime à travers le vêtement les différents changements et goûts sociaux. Loin de rejeter l’idée de Simmel selon laquelle la mode permettrait aux individus de se différencier d’une classe sociale à l’autre, Blumer avance cependant que cela n’est pas tant la raison d’être de la mode, qu’un de ses résultat. D’après lui, la classe supérieure exhibe bien le mouvement de la mode, mais ce n’est pas elle qui le créer, elle ne fait qu’y adhérer. Aussi, dit-il, lorsqu’une mode disparaît, ce n’est pas tant parce que l’élite la rejette que parce que la mode - en tant que processus en mouvement continuel – introduit sans cesse de nouvelles tendances répondant à de nouveaux besoins modernes. Avant même de chercher à se différencier, ce que recherche les individus à travers la mode c’est justement «d’être à la mode», de porter ce qui est valorisé, et d’exprimer les goûts émergeants. L’évolution et les changements des tendances collectives (collective taste) découlent de la diversité des expériences que vivent les gens en société, et à l’intérieur de leurs intéractions : la mode se déplace en même temps et dans la même direction que la société de masse contemporaine.

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Pour Blumer, les choix collectifs renvoient à plusieurs éléments comme par exemple les médias et le bouche à oreille, et sont constamment redéfinis. De plus, Blumer considère que mis à part les chois collectifs, il est important pour le sociologue de s’arrêter à tous les rouages de l’industrie de la mode ( couturiers, manufacturiers, défilés, publicistes, boutiques, etc.) afin de pouvoir comprendre le système de la mode. Toutefois, son analyse ne s’y attarde que sommairement, et jamais ne décrit-il vraiment en profondeur comment le tout s’articule. Enfin, bien que Blumer n’ait consacré que peu de temps et d’écrits à la mode, il a tout de même permit une vision innovatrice de ce phénomène, et a démontré qu’il est impossible de rendre compte d’un univers, aussi large que celui de la mode, en utilisant que la théorie de la différenciation des classes sociales propre à Simmel.

 

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